Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/82

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ce-neige et les pétales de lis, jetés en fer de lance, donnent l’illusion d’une aurore vue à travers la grille d’un jardin ducal. Je ne comprends que le blanc, le blanc teinté dans sa trame… Une vierge ayant de mauvaises pensées !

— Moi, répondait Jane Monvel, j’aime bien le blanc, mais je suis brune et je trouve que le blanc durcit les traits des brunes. Pourquoi pas du rose ? Tiens, ce velours bengale rebroché d’or vert. Un vrai manteau de reine ! Ou encore oser le jaune, cette armure de satin paille brodée de grappes de lilas ! Quelle étonnante jupe de princesse ! Ce serait riche, très éclatant, tout en demeurant fort distingué. On ajouterait une queue de velours violet uni afin de rendre la robe plus moyenâgeuse.

Riche ! Éclatant ! Distingué, chantonna Paul ! Les traits des brunes qui durcissent… et, aussi : moyenâgeuse ! Tu viens d’étiqueter ton bagage de femme en partance pour la vie. Tu n’iras pas loin, toi !… Ce velours bengale rebroché d’or vert ? Es-tu la reine, la reine indifférente, couleur de rose gloire qui, des tigelles d’herbes aux ongles, les sème une à une sur son manteau en songeant qu’on peut faire tuer le même nombre d’hommes ! Oser le jaune soufre fleuri de lilas ? Es-tu la fille cruelle effeuillant des guirlandes d’âmes printanières ? Non ! Tu es leur pauvre copie, une jolie suivante aux ambitions bourgeoises. Tu étoufferas, là-dedans, comme un oiseau pressé par les trop lourdes reliures d’un livre. Puisque le blanc ne te va pas… alors du vert pâle, cette modeste mousseline de soie couleur d’eau. Ce ne sont point les étoffes qui sont faites pour les femmes. Ce sont