Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/87

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un costume, je te prépare un de ces triomphes dont on garde le souvenir, même sur les boulevards, et tu me reproches de ne pas t’aimer ? (Du ton d’un collégien qui se fâcherait avec un autre collégien, Paul ajouta :) Tu sais, Janette d’Arc, pas de blague, je déplore la plainte de la colombe blessée encore plus que le discours patriotique. Ne complique rien…

— Ce n’est pas de ma faute ! Il y a un moment j’étais très, gaie, et je suis triste, tout d’un coup, horriblement triste sans savoir… Je voudrais mourir !

— Nous aurions là de jolis linceuls, si la mort venait… Quel genre de mort, hein ?

Paul la regardait, de bas en haut, demeuré roulé à ses pieds en serpent tentateur.

— Il me semble que je suis sur le sommet d’une montagne et que je vais tomber, Paul, me briser en mille miettes. Au couvent, chaque fois qu’une religieuse devait me punir, j’avais de ces vertiges. Pourquoi ?

— Parbleu !… les petites filles sont toujours coupables et méritent toujours le fouet !…

Jane joignit les mains, se pencha :

— Je t’en supplie, dis-moi que tu m’aimes ? dis-moi que je suis tout pour ton cœur et que si je mourais tu continuerais à porter ma bague ?

— Très volontiers, car elle est jolie, ta bague !

Et Paul regarda complaisamment son annulaire où brillait une opale sertie dans une chevalière d’or mat.

Jane, la sentimentale, la lui avait donnée parce que c’était la seule fortune qui lui vînt de son