Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/93

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homme est-il la statue de saint Georges qui se trouve en la chapelle de son château. Comme il sied, il est costumé en chevalier : cuirasse et casque d’or. Élevée entre sa tante, la chanoinesse, et sa sœur de lait, une naïve paysanne, la damoiselle ne sait rien de la vie ni de l’amour. Un jour que la pauvrette met les bras au cou de la statue, elle sent battre un cœur sous la cuirasse d’or et elle voit luire des yeux irrévérents sous la visière du casque ; la statue s’anime, le diable est là… et on baisse le rideau.

— Moralité ?

— Oh ! il n’y en a pas quand on s’éprend de l’impossible, fit négligemment Paul, tisonnant le feu ; j’ai ajouté, pour Jane et pour les badauds, que la sœur de lait, une autre ingénue, connaissait certain chevalier fort épris, de tout point semblable au seigneur saint Georges, dont il endosse, à l’heure voulue, la cuirasse d’or. D’un poème pas plus mal qu’un autre, j’ai fait un livret d’opérette que tout le monde a fait. Cela me dégoûte de ma conscience, seulement ça me débarrasse d’une femme ! Et comme je sens que j’ai de plus en plus besoin d’être libre…

— Est-ce écrit, au moins ?

— Si c’était une œuvre, te demanderais-je de l’argent pour la voir jouer ?

— Que ferais-tu ?

— Je te la lirais… ensuite, nous la brûlerions ! Reutler tressaillit.

— Éric, dit-il tristement, tu m’en veux de mes franchises passées.

— Non ! je souffre d’être si peu devant ma chi-