Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/98

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du sien, et par les mêmes peintres. Puis, Marguerite Florane a bavardé dans tous les foyers de Paris : il n’ignore ni mes chevaux, ni mes maîtresses. C’est très confortable sous le rapport de l’entrée en matières. (Il bâilla.) Du diable si je ne lui fais pas l’effet d’avoir du génie avec tout cela. Du génie ? Mon Dieu ! (Il appuya sa main sur sa poitrine, à l’endroit où battait violemment son cœur, sous des billets de banque.) Je n’en aurai jamais… jamais… Et, entends-tu, Reutler, je crois que je m’en fous !…

Un frisson le secoua, pendant qu’il dressait devant lui, sur le store de soie bleue voilant la glace du coupé, un petit miroir à biseaux.

— Enfin, soupira-t-il rectifiant le pli de sa chevelure, je vais peut-être me distraire chez cet industriel.

Quand on lui annonça Paul de Fertzen, le directeur des Folies-Nouvelles eut un mouvement de curiosité. Il se leva et s’arrêta court dans sa première démonstration de politesse. C’était un homme trapu, noiraud, sur lequel semblait répandu quelque verni mou fleurant la graisse. Il se terrait en une pièce étroite, sombre, un tronçon de corridor illustré de cartes-album, très sale. Un divan rouge, constellé de taches, servait, pour le moment, de trône à un énorme chien danois de physionomie méchante. Sur un bureau s’étageaient des bocks et plusieurs canettes vides.

Paul ne fréquentait pas les bohèmes. Il fut intimidé par les canettes vides, hésita à s’asseoir.

— Monsieur, dit-il d’une voix sèche, car, pour dissimuler ses hésitations, Paul prenait toujours