Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/97

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la portière, lui demanda, respectueusement, si Monsieur était souffrant.

Il haussa les épaules.

— Je n’ai rien, mon vieux terre-neuve, répondit-il s’affaissant sur les coussins de la voiture d’un air excédé. Je vais aux Folies et ça m’embête parce que je suis en retard. Dis qu’on presse…

Il ferma les yeux, tout en se gantant avec les gestes délicats de la mondaine, puis il murmura :

— Non ! Ça ne peut pas durer ! Ou je l’exècre… ou je l’admire. Ceci n’est plus une existence ! Mon frère est très au-dessus de moi. Pourquoi s’amuse-t-il à ramper et pourquoi, en s’humiliant, paraît-il heureux comme s’il buvait un élixir ?… Il s’agit, maintenant, de nous débarrasser gentiment de la petite femme et de nous cloîtrer à Rocheuse. Je verrai bien… Il doit lutter contre une haine féroce… Moi aussi, d’ailleurs. Mon aîné, c’est l’ennemi, je le forcerai comme un simple sanglier qu’il est. Je suis pour tous les genres de revanche, et je vaincrai à mon tour.

Emporté très légèrement par un excellent trotteur, Paul s’enivra deux minutes à cette pensée folle de vaincre son frère, puis, peu à peu, ses yeux se rouvrirent, il songea aux banalités de la vie.

— Comment se présenter chez un directeur de théâtre ? Vais m’exposer à un échec ! Ça me déplairait parce que Reutler se moquerait de moi. N’aura pas lu le manuscrit, bien entendu, cependant a eu Je loisir de s’informer et doit savoir que je suis un… favori de la comtesse de Crossac. J’ai mon portrait dans tous les salons nouveaux à côté