Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/103

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écrites à notre pignon. Aussi nous récoltons ce que nous avons semé, nous jouissons de l’estime d’un chacun, nous mangeons du pain blanc. Vous loger ici c’est mettre un ver dans une poutre. Vous êtes un failli. Tout est connu dans le petit et dans le haut commerce. Des voyageurs diront : « Les Bartau vont inventer quelque chose avec le père Tranet : c’est louche, cette visite-là, qui s’éternise » et le bois s’écoulera peut-être moins vite, les voyageurs risqueront des réflexions dans les chemins de fer, il ne faut qu’une médisance pour perdre son crédit… Par-dessus le marché, mon fils est jeune, il est un peu faible… vous voulez peut-être l’entraîner à des combinaisons dangereuses… Bref, mon cher monsieur Tranet, vous désirez l’impossible. Que vous repreniez ou ne repreniez pas votre demoiselle, moi, je ne retirerai pas, chez moi, un failli, même au nom de la charité !

— Même par charité ! répéta Louise en se plaçant devant son père. Ah ! vous êtes une femme sans religion et sans cœur, madame Bartau, il ne vous demandait rien, le pauvre homme, j’étais plus coupable que lui. Il est venu ici, comme j’y suis venue, moi, en pensant qu’on aurait de l’affection pour ceux qui entraient dans votre famille. Et, d’ailleurs, puisque c’est moi qui l’ai fait insulter je saurai bien le défendre. Viens, père… sortons…

M. Tranet boutonnait son vieux pardessus, tâtonnant, les yeux éteints.

— Si j’avais pu croire cette chose ! bégayait-il, madame Bartau me jetant dehors comme un galeux ! Faut pas vous imaginer qu’un failli ça n’a plus d’honneur ; je sens bien