Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/106

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— Monsieur, monsieur ! supplia Marie, toute remuée devant ce navrant spectacle.

Ils ne daignèrent pas s’arrêter et ils s’enfoncèrent sous la voûte.

Louis bondit.

— Ma femme ! rugit-il, s’imaginant que ces deux êtres tiraient après eux toutes les fibres de sa poitrine… Ma femme !

Elle ralentit un peu la marche. Tranet fit un geste tragique…

— Non… je crèverais contre leur borne, que je ne reviendrais pas ! Non !

Louise sentit qu’on l’entourait de deux bras bien chauds et qu’elle glissait dans un amour bien vrai, cette fois.

— Veux-tu donc m’obéir, espèce de bambine malade ? murmura le mari, pleurant aussi, malgré sa dignité de chef de maison.

— Je ne tiens pas à être riche quand mon père est misérable… Je ne tiens pas à être caressée quand on le maltraitera, dit-elle en essayant de se dégager.

— Père Tranet, nous avons été durs, ma mère et moi, fit Louis, tendant sa main ouverte au bonhomme.

L’ex-marchand de chaises hésita une seconde puis il répliqua avec une moue comique :

— N’allez-vous point me déposer un édredon sur la borne pour que je m’y installe à mon aise ?

— Non, père Tranet, mais je vous céderai mon lit, ce soir, pour demander l’hospitalité chez ma femme ; nous faisons lit à part, vous serez cause que nous nous réunirons, voilà tout !

Tranet s’épanouit.

— Eh bien, nom d’un rabot ! je reste cette