Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/107

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nuit pour voir ça… et je reviendrai plus tard pour le baptême !… Hein, les petits ?…

Une heure ne s’était pas écoulée que, sauf Mme Bartau, dînant en ville, selon la phrase prudente de Marie, la famille s’asseyait en rond autour d’un plat de choux couronné d’une énorme tranche de jambon.

— Eh ! Eh ! s’exclamait le père Tranet dévorant tout ce qu’on lui servait sans voir, c’est une crâne invention que la nourriture… je peux vous l’avouer… il n’y a plus d’orgueil entre nous, pas vrai …Eh bien, nom d’un rabot ! je n’avais rien mangé depuis deux jours.

— En voilà un homme du bon Dieu ! quelle pâte !… souffla la cuisinière subjuguée.

Au dessert, on dut l’empêcher de chanter quelque chose. Vers dix heures, Louis et Louise se rejoignirent sur la pointe des pieds dans la petite chambre aux murailles nues comme celles d’une cellule de couvent. La coquette enfant fit les honneurs de son cabinet noir avec de malicieuses remarques.

— Ah ! dit-elle, montrant sa chaise de paille, son guéridon et le lit de fer, les meubles ne sont pas très somptueux, mais, pour une nuit… n’est-ce pas ?

Louis se mit à genoux :

— Ma chérie… je suis indigne de toi. Tu reprendras ta chambre, la nôtre, dès qu’il sera parti, et nous ne nous séparerons plus, ni jour ni nuit. Maman s’adoucira, tu verras, elle sera trop occupée de ma révolte pour songer à la tienne. C’est cependant une femme de valeur, ma mère ; elle a gagné notre fortune, je ne peux pas lui tenir un langage toujours irrespectueux,