Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/109

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— C’est mon papa… Il nous aimera tant et il mettra des rires dans la vieille maison. Tu l’emploieras pour ton magasin.

— Non, Louise, n’insiste plus… ou je vais me fâcher… tu n’as jamais su ce que c’est que l’argent, toi.

Elle se dressa, la bouche serrée.

— Alors, demain, il s’en ira, sachant que votre argent ne sert qu’à donner l’envie de le voler… Moi… je croîs que je te volerais pour lui… j’ai comme cela des trésors à dépenser quand je rêve… et je jette les pièces jaunes par les croisées, heureuse de les entendre rouler sur les pavés de notre cour… j’ai des désirs de belles robes couleur du soleil et de dîners monstres où s’inviteraient tous les petits mendiants des rues. Je rêve de quelque prince charmant qui me laisse ouvrir ses coffres et me permette d’y puiser… j’ai des voitures remplies de gâteaux que je sème le long de ma route et j’ai des fleurs que je donne à tous les messieurs. Oh ! que je voudrais être un peu riche durant une nuit pour faire plaisir aux gens dans la peine !

Et elle souriait d’un sourire amer, si triste et si passionné qu’il eut peur de divaguer avec elle.

— Oui… j’aimerais me ruiner pour toi, fit-il la câlinant pour éloigner ses idées de désordre, seulement je ne saurais pas rétablir la fortune que maman m’a ménagée jusqu’ici, et il vaut mieux demeurer très raisonnables… Couchons-nous ; je suis très pressé, moi, tu n’as pas l’air de le croire, toi.

Elle plongea ses yeux charmeurs dans les siens.