Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/108

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elle m’a élevé, elle m’a donné une belle clientèle, un beau magasin.

Et Louis, pour lui faire admettre ces réflexions sérieuses, mordillait les jolis doigts des deux jolies mains de sa femme.

— Oh ! je l’aimerais bien, si elle m’embrassait de temps en temps ! répondit Louise qui ôtait ses vêtements avec une lenteur désespérante pour l’amoureuse impatience du jeune homme.

Soudain, elle eut une crispation mauvaise.

— Que gagnez-vous donc ici par année ? demanda-t-elle.

— Bénéfice net : sept ou huit mille francs ; mais pourquoi cette comptabilité-là, mignonne ?

— Et combien ça fait-il par mois ? reprit-elle se baissant pour dénouer le cordon de ses petits souliers.

Il voulut l’aider, elle le repoussa fébrilement — Je veux savoir.

— Ah ! Louise est-ce que tu rêverais cette nouvelle folie ?…

— Tu m’as devinée ?

— Je crois que oui… tu vas me prier de garder ton père tout à fait ?

Elle se releva à demi et s’accouda sur le genou de Louis qui s’était laissé tomber sur les couvertures du lit de fer.

— Louise… c’est inutile, ma mère fuirait, je te le jure… ils seraient comme chien et chat.

Elle joignit les mains, se blottissant près de lui avec un regard tout brillant :

— Pauvre père ! il ne gênerait personne et il avait tout organisé pour ne jamais retourner là-bas…

— Il a fait faillite.