Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/144

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qu’une belle toilette, quand on sait la mettre, et qu’on a de la fortune, est, en somme, une chose agréable. Il avait des retours pleins de mauvaise humeur sur la médiocrité du petit commerce, qui ne permettait pas certain luxe.

Le père Tranet, immobile devant son assiette, ruminait des inventions nouvelles, et avait la rage de couper la nappe du bout de son énorme eustache.

Louise, l’air effaré, quêtait un sourire de la mère ou du fils, car elle s’était juré de devenir comme une pâte molle entre leurs deux volontés.

À la veillée, M. Rampon s’annonça par un éternuement formidable. Il arrivait presque chaque jour très enrhumé, très bavard, toujours pessimiste, torturant Tranet qu’il prenait de plus en plus en grippe.

— Eh bien !… quoi… ce changement de ministère, personne ne s’en occupe ? gronda-t-il lorsqu’il fut installé sur le meilleur fauteuil.

Tranet leva le front. Il était plongé dans un travail méticuleux. Il collait des planchettes de sapin pour ériger un moulin à vent, lequel moulin devait servir à moudre le café. Une idée qui le tenait depuis longtemps : réunir l’utilité à l’élégance. Au lieu du vulgaire tourniquet dont on la détestable habitude de se servir dans les cuisines bourgeoises, offrir à la cuisinière ébahie une machine vraiment séduisante, un moulin à vent. Le toit s’enlevait : on introduisait le café en grains, on tournait la grande roue à claire-voie et la poudre tombait par une petite porte cachée sous un feuillage peint. Seulement, Marie, leur bonne, voulant tourner la grande roue, l’avait, d’un coup