Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/159

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nettes scintillantes, couronnait son fronton sculpté. À droite, un piano allongeait sa queue de palissandre uni dans un fouillis somptueux de soieries japonaises bleu et argent, très gaies, très folles, détonnant comme une fanfare de ces contrées toujours ivres de la lumière pure et de la couleur crue. Le plafond était peint en ciel d’aurore ; des nuages pourpres sur un orient de perles fines. Pas plus d’amours que de tourterelles, mais, pour suspendre un globe de cristal, une main de fer forgé sortant d’un écusson aux armes des Valois.

On ne voyait bien toutes ces choses que lorsqu’on étudiait le logis minutieusement. L’ensemble de ce boudoir était harmonieux et pas un luxe ne nuisait à l’autre, tous paraissaient utiles, tant leurs savantes provocations vous saisissaient la chair. Comme une brutale découverte, la glace de l’unique fenêtre était là pour vous crier le froid du dehors, la pauvreté de la campagne, la mélancolie du temps. Il fallait bien se rendre compte que, dans ce coin capitonné, tour à tour scintillant et discret, on vivait mieux, on vivait plus que sur le quai désert de cette Loire remplie de catastrophes. La maîtresse du logis, vêtue d’un long peignoir en velours gris d’acier, sans bijou, sans col, se moulait à miracle dans cet écrin soyeux. Quand on ne tombait point sur ses yeux inquiétants, mauvais, ses yeux en métal changeant, du métal de certaines lames damasquinées et empoisonnées, on l’admirait de bonne foi. Elle n’avait pas d’âge certain, elle témoignait par ses gestes souples d’une jeunesse bizarre, forte ou même virile, elle riait