Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/158

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très cruelle tenait sa lyre à l’envers et fixait des yeux complètement morts sur la porte d’entrée. On aurait dit qu’elle guettait un homme pour lui faire le plus détestable des partis… sans oser l’avouer pourtant, car ses deux lèvres jointes ne laissaient pas échapper une seule expression coupable. De chaque côté de la Sapho, deux amours à pieds de faunes élevaient des girandoles garnies de vertes bougies tortillées en spirales. Un miroir penché, ovale, tout ruisselant de mousseline et de dentelles, un véritable pompadour avec nœuds de rubans papillons, dominait les statuettes, vous renvoyant leurs doubles dans une perspective claire de fontaine endormie. Les meubles affectaient des allures un peu sournoises. Il y avait des crapauds de peluche noire et myrte assez pareils aux nids de mousse que l’on trouve dans le creux des vieux arbres, des canapés en x à longues franges multicolores qui mettent les visiteurs bouche à bouche tout en les laissant dos à dos, des divans tellement bas et sombres, tellement encombrés de coussins qu’on les fuyait d’instinct pour ne pas être tenté de se mal tenir, des petits pouffs sans roulettes ni dossier, absolument ronds comme des pommes et aussi profonds, dès qu’on les palpait, que des abîmes. Ces sièges couraient sur un tapis d’ours brun, dont les poils lisses et s’irisant aux lueurs du foyer, avaient l’aspect de la vie. Une bibliothèque tournante, en mosaïque pompéienne, se dressait à la gauche de la cheminée, des cariatides d’ivoire et de stuc précieux tendaient les pupitres en ébène, une lampe d’albâtre, suspendue par quatre chaî-