Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/223

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absent d’Amboise, sa résidence habituelle, et je n’espère pas le voir de toute la journée…

Elle fit un signe (l’intelligence à Louise, celle-ci baissa le nez sur les fleurs de son corsage. Louis, lui, touchait le pied de Marcelle sous la table. M. Tranet jubilait, beau comme un astre. Ses cheveux, encore très noirs pour son âge, s’ébouriffaient malgré le cosmétique du coiffeur ; sa face, un peu rougeaude, sortait de son col de chemise, comme des bouquets de fête de leurs papiers blancs. Il regrettait que les frères et amis ne fussent pas venus pour le voir resplendir dans sa gloire d’homme à bonnes fortunes. Il arrivait toujours par les femmes, ce sacré Tranet. On le plumait, il les exploitait, et, à la fin de l’histoire, il était le vainqueur. Aussi il leur ruminait un de ces discours bien sentis qui comptent dans la vie des peuples. Quand le dessert parut, il se dressa tout d’une pièce, la lèvre goguenarde, sa flûte pleine de champagne à la main.

« Mesdames, Messieurs, Citoyennes, Citoyens !!! En un jour comme ce jour-ci, où la beauté va couronner ma flamme sans faire attention à mon âge mûr… je croirais déroger aux usages reçus si je ne vous développais pas ma profession de foi. (Il se tourna vers Marcelle Désambres qui ne sourcillait pas, tandis que Louis buvait rapidement son champagne pour essayer de dissimuler un fou rire et que Louise se mordait la lèvre.) Madame, continua Tranet, grave comme un prêtre en sermon, je bois d’abord à vous, ma bienfaitrice… (Tout le monde applaudit au début, cela promettait d’être assez parlementaire.) Oui, je bois à vous qui, représentant ici les hautes classes, m’avez