Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/234

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ne l’avait jamais vue toute nue, sa femme, et il avait hésité à la reconnaître dans cette pose sculpturale de déesse de l’amour.

— Ma femme, gronda-t-il, elle qui n’osait pas se déshabiller devant moi !

Il se pencha davantage. Un homme était là, s’agenouillant près d’elle, un jeune homme, aux cheveux noirs et courts, aux traits accentués, au grand front intelligent, aux yeux vifs. Il portait un costume de voyage élégant ; un feutre tyrolien comme en ont souvent les artistes, était jeté sur un fauteuil à côté de lui. Il parlait, joignant les mains ou dévorant ses jambes adorables de baisers.

Louis eut un rauque exclamation. C’était donc vrai ! Il recula les poings tendus.

— Et je tolérerai cette ignominie, moi, qui l’ai tant aimée, je ne la tuerai pas, je les laisserai vivre ! Ah ! Marcelle, misérable Marcelle tu as trop compté sur ma stupidité : c’est donc ton frère, l’amant ? Soit, ton frère va mourir.

Il se baissa, tâtonnant, il avait bien touché un couteau, tout à l’heure, sur la table, il se le rappelait, un fin poignard damasquiné dont sa maîtresse se servait pour couper les pages de ses livres. Le poignard ? où était le poignard ?… Il ne laisserait pas le crime s’achever ce serait toujours un moment de plaisir qu’il leur volerait avant de les jeter dans la nuit profonde, dans le néant, dans l’enfer, si l’enfer existait.

Il ramassa d’abord le bouquet de violettes qu’il écrasa sous son poing, ensuite le couteau… Quand il se releva, il riait d’un rire fou.

— Elle croyait que je l’aimais assez pour