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Avant de gagner son appartement, il eut à écouter le sermon furieux du général.

— Tu te coupes les cheveux ! tu te mets des jaquettes neuves ! tu arpentes les champs… Tu finiras mal ! mille tonnerres ! il s’agit de marcher droit ! va refaire ta dernière copie. Tu as fait ronfler le canon. Je n’aime pas ce mot. Tâche de choisir des expressions plus justes. Est-ce qu’un canon peut dormir quand il part ? Et s’il ne peut dormir, il ne peut ronfler, sacré clampin !

— Alors, répliqua Bruno en veine d’expressions extraordinaires, je le ferai cracher. »

M. Fayor se campa pour le toiser.

— Tu es inepte ! Tu le feras cracher ! Tiens je préfère décidément ronfler…, tu es inepte.

Et il rentra chez lui ne sachant quel mot choisir… on choisirait le lendemain.

Bruno s’orienta afin de trouver tout seul le chemin de la chambre de Renée. Ceci le préoccupait beaucoup plus que les mots en litige. Jamais il ne s’était hasardé jusqu’à sa porte, ni à Paris, ni à Tourtoiranne.

Il allait à tâtons, flairant une émanation de verveine, lorsque Renée l’arrêta en lui passant les bras autour du cou.

— Pas plus loin, Nono, dit-elle d’un accent brisé. Il ne faut pas qu’on te voie près de la statue de Diane, ni dans ma salle de bain… on supposerait… trop de choses ! et elle s’efforçait de sourire, puis elle ajouta, il est venu tantôt un ami d’un mon-