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nono

— Tu ne m’aimes plus ! » ajouta-t-il les deux mains tremblantes.

Elle monta sur le socle d’une coupe de bronze où fleurissait un héliotrope et fut si vite assise que Nono eut le visage entortillé de sa jupe. Il sentit en se dépêtrant qu’on l’embrassait dans le cou, chaudement, avec un cri étranglé qui ne parvint pas aux lèvres. Ensuite ce fut un tourbillon. Miss Bell jappa, et l’amazone devint un point noir par-delà les grilles de Tourtoiranne.

Nono rejoignit son cabinet de travail, tout chancelant, comme ivre de ce vin qu’il détestait sans en avoir jamais bu, puis il émit cette réflexion naïve :

— Elle change de lèvres en changeant de robe, aujourd’hui elle m’a fait du mal quand hier elle m’a fait tant de bien. »

Le général le trouva rêvant.

Renée savait ce qui devait arriver, mais Mélibar l’ignorait complètement, lui. Aussi, lorsque la jeune fille, en gravissant la colline, se mit à l’exciter, il se campa, prêt à demander des comptes sérieux à son écuyère. Entre eux c’était d’ordinaire un échange de bons procédés : au petit pas, on se parlait, langage de crinière et langage d’étrier, et les temps de galop le regardaient seul. En somme, Mélibar, pourvu que cela lui plût, aimait fort à obéir. Le gazon du sentier était doux, les branches formaient le dôme, et les perspectives se perdaient dans un bleu voilé qui donnait l’appétit de l’air. Courir ? Soit ! Mais