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— Mademoiselle, reprit le duc sérieux et digne, je n’ai jamais donné un démenti à une femme. Dussé-je me laisser arracher les ongles, je ne vous démentirai pas en présence de votre père. Pourtant je vous préviens que je chercherai une raison polie !

— Duc, vous chercherez toutes les raisons que vous voudrez, je suis vengée, je vous tiens quitte !

— Alors, daignez expliquer vos motifs à M. Fayor et cela assez promptement pour que je puisse rassurer mes électeurs.

— Justement, duc, je n’en ferai rien…, ma conduite, vous le savez, n’est pas de celles qu’on explique. Les femmes ne se déshonorent pas elles-mêmes !

— C’est assez fâcheux pour ceux qui les déshonorent ! » riposta le duc s’animant, lui si calme, tandis qu’elle, si impérieuse, gardait une placidité énervante.

Il fut énervé.

— Ah ! continua-t-il, pour vous venger !

» Un homme s’est trouvé qui avait l’âme impressionnable, vous l’avez impressionné. Vous lui avez presque dit je vous aime. Il est devenu amoureux et, se jouant de lui, vous avez été odieuse jusqu’à faire vibrer les fibres les plus mystérieuses de son être par un calcul bas de vengeance, une préméditation sans circonstances atténuantes, comme disait le juge d’instruction de tout à l’heure. Vous pouvez vous plaindre, vous désoler, vous tuer, être femme comme une femme. Vous n’avez rien dit, il n’a rien su et a passé par toutes les conjectures de la passion. Sur un refus désespérant, il est venu, il a consenti à une petite <span style="color:#00A000" class="no_erreurs_communes" title="ignominie">igno-