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Bruno sortit de son rêve. Il avait compris. Il allait, lui, le trahi, accepter le payement de son sacrifice… Il repoussa brutalement ce corps ravissant qui s’attachait au sien.

— Je vous remercie, Madame, dit-il en la foudroyant de son regard devenu haineux pour la première fois, j’oubliais que vous êtes la femme d’un honnête homme… Adieu ! »

Et il rejeta sur elle, la fouettant avec l’étoffe grossière, sa mante de paysanne.

Renée recula, les bras toujours tendus.

— Nono ! Nono… je t’aime… cria-t-elle d’un accent déchirant… je t’aime… je t’aime !

— Moi, je vous méprise, Renée. Laissez-moi donc mourir sans remords, puisqu’il est convenu que j’ai tué votre amant. Il ne faut pas qu’il puisse me maudire avant que je l’aie rejoint. Votre mari vous pardonnera comme je vous pardonne… allez-vous-en heureuse ! »

Il marcha sur elle, la main levée, ivre de rage, car tout se révoltait dans cet être d’une idéale bonté. Elle le trompait encore, elle l’avait toujours trompé…

— Nous vous attendons », répéta la voix qui vibra dans toute la cellule.

Renée, les yeux démesurément ouverts, regardait la muraille d’où l’ombre gigantesque de Maldas se détachait et avançait un bras prêt à l’anéantir.

Alors, elle eut un gémissement étrange, un gémissement qui ressemblait à celui d’une chienne qui a peur. Elle ramena la mante sur son sein nu et pro-