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nono

ché à le noircir depuis cinq heures, vous me priez maintenant de le débarbouiller. Sachez ce que vous faites ! guillotinez-le, mais ne vous moquez pas de lui !… »

Cet incident répandit un peu de gaîté.

Bruno répondit au général :

— Vous avez raison ! »

Le général alla se rasseoir tout bougonnant et le cœur gonflé d’une chose qu’il ne pouvait pas dire.

À son tour, l’accusation fit sa sinistre besogne.

Enfin un grand silence se fit. On attendait la plaidoirie du défenseur.

Malgré le froid, quelques jurés s’essuyaient les tempes.

Une dernière fois, l’avocat se caressa les favoris. Pour ne pas perdre une ligne de sa taille, il se redressa étalant ses papiers sur sa planchette, ouvrant ses codes aux endroits cornés, relevant ses manches… Déjà il avait proféré les formules d’usage, quand les mots expirèrent dans sa gorge, et il se rejeta épouvanté sur les gendarmes. Ceux-ci n’avaient pas eu le temps d’empêcher Bruno Maldas d’abattre sa large main sur le bras levé de son défenseur.

— C’est inutile de parler, Monsieur, dit la voix forte de l’accusé, je m’avoue coupable du crime dont on m’accuse… »

Une clameur sortit de toutes les poitrines. C’était, certes, un effet auquel personne ne s’attendait.

La cour eut un mouvement de stupeur. Les jurés se penchèrent tumultueusement en dépit de l’im-