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nono

Nono, lui, un peu confus, reconduisit sa mère jusqu’à Montpellier, et là, il la pria de vouloir bien le débarrasser de ses grands cheveux, désormais inutiles, puisque Lilie allait se marier. Ce que sa mère fit avec une joie réelle, car cela usait rapidement tous les collets de ses paletots.

Nono revint très tard. Il avait peur du général, encore plus peur de sa fille, et il alla se coucher sans se montrer, très honteux du reste de sa tête tondue. Cependant l’habitude lui fit conserver la moitié de ses vêtements…, on ne savait jamais, dans cette maison !…

Renée Fayor ne pouvait plus dormir. Dès qu’elle s’assoupissait un instant, il lui tombait sur la poitrine quelque chose de lourd comme une pierre. Elle se levait, éperdue, les tempes humides, les prunelles égarées. Dans les moindres craquètements des boiseries de sa chambre, ces petits bruits secs et soudains qu’on entend aussitôt qu’on écoute au milieu du plus profond silence, il lui semblait deviner l’effort d’un être, qui, atrocement comprimé, essayait, de temps à autre, de soulever un poids énorme pour respirer un peu. C’était elle qui soulevait les courtines soyeuses où l’écusson brodé lui pesait comme une roche retombante. Elle étouffait, elle se débattait, et enfin sautait à terre pour aller se rouler sur la peau de lion avec des spasmes épouvantables.

Maintenant, elle n’avait plus aucune raison pour revoir ce garçon dont le paisible sommeil l’étonnait.