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cils, un cercle bistré indiquant des larmes récentes. Son nez assez large était un peu recourbé. Il avait les coins de la bouche creusés profondément, avec une expression dont le développement sensuel n’était pas achevé encore. Le menton était plein, entêté. À présent le front se voyait, très dégagé, avec les tempes d’une pureté charmante, sans sillon et sans tourment de veines. L’oreille était grande, un peu empâtée comme dans une ébauche à terminer.

Renée s’approcha, surprise. Elle chercha ce qui lui manquait, et s’aperçut que c’étaient ses cheveux. Il n’avait plus qu’une toison serrée comme un bonnet de fourrure, et ce visage endormi paraissait confus encore d’être aussi nu.

Renée demeura debout près du chevet, l’écoutant respirer et s’oubliant dans une contemplation artistique dont elle ne pouvait définir la mélancolique douceur.

La porte était refermée. Sur les quatre murs de la chambre passés à la chaux jouaient des rayons blancs. Il était impossible d’avoir peur en présence de cet enfant. Renée tordit ses bras comme lassée de souffrir.

— Mon Dieu, fit-elle, n’y a-t-il plus de repos pour moi ? »

Et, attirée par ce sommeil calme elle vint s’asseoir sur le bord de ce lit grossier, fait de perse et de toile bise. Les matelas gonflaient en dehors, avec leurs carreaux bleus, raccommodés de place en place. Le traversin montrait surtout une reprise