Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/17

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vivre ! » disait cet homme sérieux, assis. Il est certain que je suis encore debout. J’aime la vie parce que je sais la mener et je veux la trouver belle, maintenant, sous n’importe lequel de ses masques de femme.

Je descends cette rue d’un pas lent, en quête d’un objet curieux, d’une trouvaille quelconque dans ces quartiers neufs : rien à voir. Les maisons sont désertés, non achevées et elles n’exhibent aux passants, en fait de curiosité, que de minuscules jardins s’encastrant dans leurs profondeurs de pierres froides comme des cimetières en miniature où ne poussent que des fusains, des buis, du lierre dont, les branches sombres sont encore noircies par la suie en suspension dans l’air parisien. Ces petits jardins grillés n’ont pas de porte ni aucun moyen visible de communication. Leurs frêles arbustes prennent la mine de singes en cage, de singes phtisiques, presque sans poils, fantômes de plantes qui grelottent à tous les vents. Mon Dieu, ça vit tout de même, ça végète, et il doit y avoir des insectes qui s’y trompent.

Je songe que l’homme ordinaire, le brave homme, s’agite, s’émeut, tantôt dans sa chair, tantôt dans son squelette. La chair est tendre, le squelette implacable, et tandis que la chair fond, les os se rétractent. On est, d’avance, son propre cimetière ; pour vivre