Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Depuis que l’arbre mort est séquestré, que je ne laisse plus la clef sur la serrure du boudoir mauve à cause de l’intrusion possible de Bouchette, le miracle s’est produit. Les végétaux, les animaux, tous les êtres vivants de la création font tourner, autour de notre coupable indifférence, un cycle de miracles permanents, et nous ne savons pas les voir, les comprendre… ou nous avons grand tort de nous les annexer, de les enchaîner orgueilleusement à nos particuliers états d’âme.

Que vais-je lui dire ? Que vient-elle me dire ? Il y a deux ans que nous nous sommes quittés, pour toujours…

La voici, devant moi, calme, souriant sous son voile de gaze. N’est-ce pas, ce voile, ses cheveux flottants, très noirs, fuligineux, tordus, d’un côté, pour lui laisser la liberté du geste comme dans le portrait ?

Son deuil est un peu fantaisiste. Elle a une robe droite de soie noire, tout unie, une longue jaquette de velours de laine et un chapeau pressant ses tempes d’un diadème de grosses perles de jais. Ce n’est pas laid, mais c’est inquiétant comme une chose de convention, une élégance de théâtre. Son visage est, dans ce demi-deuil, plus blanc, ses yeux plus clairs, sa bouche plus rose, et, cependant quelque chose de dur, d’arrêté, de définitif s’en dégage comme si on souli-