Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/182

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gnait, au cours d’une lettre, certaines phrases pour en faire ressortir l’importance. Elle n’a pas beaucoup changé, sa silhouette est moins hardie, à cause, sans doute, de cette jaquette lui prenant les hanches, très boutonnée, mais je connais la liberté de ces hanches-là, aucune mode actuelle ne peut me les dissimuler.

— Monsieur Alain Montarès, de passage à Paris, je suis venue vous demander un service et j’espère que vous voudrez bien me le rendre.

La voix est très calme. Aucun tremblement, aucune émotion. C’est une étrangère qui s’adresse à un homme qu’elle n’a jamais vu.

Nous sommes tellement rompus aux exercices de la politesse mondaine, comme des chiens au tirage de la laisse, que je m’entends répondre, machinalement :

— Je me mets entièrement à vos ordres, madame.

Mais pour obtenir l’attitude qui convient en face de la sienne, je suis obligé de me crisper les poings sur la poitrine, afin d’y enfermer mon cœur qui voudrait aller lui éclater sous le nez. Je fais un tel effort d’énergie que la carte de visite s’éparpille, réduite en miettes.

— Vous permettez ? (Elle s’assied sur le