Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/189

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ment les plis de son voile noir sur le côté, le tord, en se détournant de mon regard.) Je ne suis plus du tout cette femme. Est-ce que je l’ai jamais été ? J’en doute, Alain Montarès ! Sur cette toile, vous m’avez faite à votre ressemblance, comme on nous apprend que le créateur a fait la créature ou sa création, ce que je n’arrive pas à croire. Ce sont vos désirs qui m’ont douée de… perfections que je ne possède pas et surtout d’attitudes, de gestes dont je ne veux pas prendre la responsabilité, n’ayant tout de même pas été élevée à votre école.

J’interromps, amèrement et très bas :

— Mon école ? Celle de l’amour, Madame ?

— Celle du libertinage, Monsieur ! Mais il serait dangereux de discuter, puisqu’il n’y en a qu’un, ici, qui soit revenu à la raison. Je désire, au besoin j’exige, c’est mon droit, le plus sacré de tous, celui du plus faible, que vous détruisiez ce portrait en ma présence. Je partirai ensuite plus tranquille pour la retraite que je me suis choisie. Moi, je veux oublier ce portrait comme le reste… et vous devez en faire autant. Alain, je vous en prie, je crois avoir assez souffert par vous pour que vous m’aidiez à effacer les traces de cette coupable passion.

D’un bond, je suis sur elle, je la prends