Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je suis libre de vous dire ce que je pense parce que c’est la vérité : je ne vous aime plus. Lâchez-moi ou je crie…

Je l’ai lâchée. Elle retombe sur le divan, les yeux clos, et elle ajoute :

— Quand je suis partie, je ne vous ai laissé aucun espoir, ou, du moins, ces choses-là se sentent, on n’a pas besoin de les dire. Vous pouviez vous consoler aisément, vous étiez libre. La chronique raconte assez que le célèbre Alain Montarès ne rencontre jamais de cruelle et cela se sait en province comme à Paris. Finissons-en, Alain, rendez-moi ou détruisez ce portrait. Je le veux anéanti comme je voudrais anéantir toutes les traces de cette funeste passion qui a gâché et gâche encore ma vie, m’a éloignée d’un époux très bon, le seul que j’aurais dû aimer. Là-bas, dans cette grande maison paisible où chacun travaille pour obtenir de son labeur un résultat moral, quand je me rappelle cette image… du mal diabolique gagné à votre contact, le souvenir de cet art mauvais, dont vous possédez tous les secrets honteux, me brûle comme un fer rouge. Il est évident que je n’ai ni mari ni enfant pouvant me le reprocher, mais il y a ma conscience. Si les jugements du monde sont pour moi sans aucune importance, il y a ceux de Dieu.