Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/239

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en X où l’on plaçait, cet hiver, la lampe en veilleuse, la tasse de verveine. Il n’y a plus de lampe timide ni de douce verveine, rien qu’un paquet de feuilles volantes pour mes esquisses et dessus, un presse-papier, en acier.

Ah ! les voyages, les beaux voyages ! C’est fini. Je n’y tiens plus. Une lassitude accablante me paralyse le cerveau. Le travail ne me tente pas davantage après ce portrait que j’ai signé comme un lâche, oui, vraiment, elle a dit le mot, mais pour exprimer un autre état cérébral. Je cherche vainement un moyen, un prétexte pour lui demander une prolongation de… peine ! À quoi bon ? Nous sommes comme deux êtres sur les deux rives opposées d’un fleuve. Nous nous parlons avec un abîme entre nous sans pouvoir nous unir dans le même cri, le seul cri vraiment naturel.

Il n’y a plus ni amour ni haine et le désir se tait en présence du vide glacé, du vide vertigineux qui nous sépare. Je tourne autour de ma cage de velours. Sirloup fait semblant de dormir aux pieds de la dame, mais il me guette. Il attend un ordre. Il flaire l’orage, lui, et ne s’y trompe pas. Que va-t-il arriver si son maître perd le peu de raison qui lui reste ?

Je continue à tourner. Sirloup se relève à moitié. Il ne faut pas qu’il la quitte, il de-