Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/30

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IV

J’ai mis ma main sur son épaule et je sens qu’elle tremble. Est-ce d’émotion ? Est-ce de froid ? Je ne crois pas à une professionnelle. C’est une petite femme de genre mixte, entre la bourgeoise pauvre et la sortie de l’atelier musarde, une de ces plantes du pavé de Paris non classées dans l’herbier du trottoir, qui ne sont rien encore qu’une fleur à cueillir et qui retombent fanées par un soir de soleil trop artificiel — ou vont s’épanouir dans la serre chaude du sage père de famille soucieux de sa réputation.

Elle murmure avec une moue, prise au piège de sa propre curiosité :

— Je suis mariée, monsieur. Je vous assure que vous vous trompez. Moi, je ne vous mens pas. Je suis certaine de vous avoir déjà vu et c’est pour ça que j’ai tourné la tête.

— L’essentiel, ma chère enfant, est qu’on se retrouve après s’être perdu. La vie n’a pas