Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/31

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de meilleure surprise. Ah vous êtes mariée ! Eh bien ! ça m’est égal. Je n’ai aucun mauvais dessein contre votre mari ou contre sa femme en vous offrant le thé.

Elle sourit, malgré son envie de me tenir à distance, et elle me regarde franchement, de ses yeux bruns, vifs et doux, pas très grands, des yeux d’oiseau. Elle a un nez un peu court, des petits traits ramassés, un visage de gosse, mais la bouche arde et triomphe, au bas de ce masque enfantin, comme un beau fruit mûr, chaud d’un été intérieur, d’une existence à part. Ce qu’elle contemplait, de loin, c’était justement l’étincelante pâtisserie, l’endroit où les désœuvrés vont boire le breuvage odorant que la petite femme mettrait plus volontiers sur son mouchoir.

Je me penche sur elle, m’appuie fatigué de la bonne fatigue du chasseur ramassant la proie :

— Oui, moi, je vous ai reconnue tout de suite à cause de votre bouche, jolie madame, parce qu’il n’y a pas deux bouches comme la vôtre. Je l’ai vue en rêve et ce m’est un bonheur indicible de la joindre en réalité. Ne vous révoltez pas. Façon de parler, car je ne vise pas si haut. Nous allons manger des gâteaux ensemble, nous bavarderons. Aimez-vous les bonbons, la crème, les tartines ?