Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/37

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bagatelle on n’a guère le temps. Les gens qui travaillent ne font pas la noce. Il est bien plus âgé que moi. J’ai vingt-trois ans, lui quarante-cinq. Ce qu’on voudrait, c’est de ne pas courir d’un côté ou de l’autre. Monter un commerce. Avoir son magasin et une arrière-boutique soignée : des rideaux de tulle, des meubles clairs, un tapis partout, un endroit bien à soi où on ne compterait plus avec personne, j’espère que ça viendra… et s’il n’était pas si… si avare…

Ça se gâte. J’attendais l’aveu. Je le devinais. Il est extraordinaire qu’on ne puisse pas causer une heure confidentiellement avec une femme, de n’importe quel rang social, sans qu’elle accuse le père, le mari ou l’amant d’avarice. C’est un des mystères de l’éternel féminin. Sur ce terrain-là elles ne diffèrent pas beaucoup entre elles, les filles d’Ève qui se souviennent du serpent, au moins pour le don de la pomme. Adam ne saura jamais, lui, l’offrir à propos. Quel imbécile !

Je ris :

— Avare ? Expliquez-vous ?

— Parce qu’il ne dit pas ce qu’il met de côté. Moi, je suis franche. Je gagne deux cent quatre-vingts francs. Je dépense tout malgré que je fasse très attention… et il me reproche d’aller trop vite. Songez que le terme est déjà de mille francs…