Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/38

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— Par mois ?

— Non, bien sûr ! Par an, et on ne nous l’a pas encore augmenté. Une belle mansarde avec l’eau, le gaz… même c’est pourquoi je suis allée à la Société, il y a une canalisation qui perd dans le mur. Par exemple, ce n’est guère qu’au milieu de la chambre qu’on peut se tenir debout. Ma machine, mon métier à broder, le lit et le lavabo, c’est plein comme un œuf. Mais j’ai la cime des arbres pour me nicher la vue, car la fenêtre donne sur un jardin.

Je suis un peu ému.

Elle est heureuse de me confier tout ça. Dans cette atmosphère d’un luxe dont elle ne semble pas du tout avoir besoin, ou qu’elle ignore, elle fait surgir l’apparition de la petite existence des pauvres gens satisfaits. Il y en a donc ? Pas de revendication d’ordre général ; cependant, la fissure s’est déjà produite dans le mur de leur vie particulière et je crois que la fuite du gaz n’y est pour rien. La femme a l’idée d’un peu plus de confort et le mari (hum ! est-ce bien le mari ?) cache ses économies personnelles. Mais j’aime cette phrase : moi, j’ai la cime des arbres pour me nicher la vue. Comme il y a du ciel et de l’air, là-dedans !

Si cela est aussi simple qu’elle me le mon-