Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/60

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dans une confusion d’ombres, de hachures portées en coup de couteau. Mais il est tout de même le réel portrait de cette femme-là, et je reconnais, ligne par ligne, nuance par nuance, tous les détails de ce corps à ce que je les ai effacés du dessin… pour les mieux graver dans ma mémoire. Si le peintre pouvait oublier son ouvrage, l’amant se souviendrait, malgré lui, de tous les endroits où se posèrent ses désirs et s’est reposée sa propre confiance en leurs suprêmes réalisations. S’il a gâché son œuvre, il n’a pas su étouffer sa passion qui reste entière. Et il n’y a plus, chez moi, que ce corps inanimé dont mon amour est l’âme.

Pourquoi m’a-t-elle aimé, ou me l’a-t-elle dit, puisque, maintenant, elle s’est effacée à son tour en me fuyant ? Je crois qu’un amour sincère est pareil à l’incendie qui couve, et n’a vraiment plus besoin de l’incendiaire pour éclater. On a mis des matières inflammables dans ce coin de la chambre et une toute petite braise en-dessous, la simple allumette éteinte quoique encore brûlante. Si jamais elle revenait, elle pourrait voir la maison en flammes, de la cave jusqu’au toit : seulement, si elle revenait, elle aurait peur de son œuvre, car c’est l’œuvre de destruction, celle qui ne peut plus servir à rien.

J’entends Sirloup aboyer. Allons ! Qu’est-