Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/61

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ce qu’il va encore chasser de mon jardin, celui-là ? Ce chien est terrible. Il ne permet à aucun animal de vivre sur nos terres. Je cours à la porte de la salle à manger. Je siffle. Le chien rentre, oreille basse, ennuyé d’obéir, mais soumis, car il fut admirablement dressé. Je peux lui demander n’importe quel tour de force, il l’exécutera.

Cependant, Sirloup est inquiet : il se blottit près de moi, sur le divan, avec un grondement intérieur. Pour le consoler, je lui montre ma cigarette à moitié fumée ; il boude, détourne ses yeux de topaze.

— Oui, je devine ! Tu as vu la chatte de la concierge qui se faufile à travers les barreaux de la grille pour aller dénicher des moineaux transis sous les feuilles, et tu as envie de lui casser les reins ! Nous nous chassons tous mutuellement… Elle m’a chassé aussi, la panthère brune. Je ne dois plus la revoir. Fais donc comme moi, mon vieux, fuis l’occasion du meurtre… Toutes ces histoires-là finissent toujours par des contraventions.

Sirloup, maussade, ne veut pas fumer, décidément. Il se lève, s’étire, va se poster aux pieds du portrait, comme s’il le prenait à témoin de ma tyrannie, et il se met à chanter. Sirloup file des sons à faire dresser les cheveux, c’est un très bon ténor. Il trémole un peu avant de se lancer dans ses effroyables