Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

réveiller Nestor et Francine. Voyons ! Il n’y a pas de pleine lune, ce soir… et moi je suis guéri. Mais oui, mon cher vieux. J’ai désiré la bouche d’une autre femme. Je suis sauvé. Il ne me reste plus qu’à la voir revenir, elle aussi, cette passagère lueur de bouche qui, en éclair, a rayé ma nuit cérébrale d’un trait d’espoir.

Sirloup ne se tait pas, il pleure à gros sanglots ; il agite, désespérément, des tas de grelots fêlés. Je crois, ma parole, qu’il joue la comédie en l’honneur de ce portrait.

Et la femme, en face de nous, sourit toujours, de son sourire voulu, que j’ai voulu un peu bête, un sourire qui fait la fille, un sourire qui attire, promet, du haut de la pose où tout s’abandonne au passant ; mais les yeux sont ailleurs, très loin.

Je prends Sirloup au collier et je le secoue d’une poigne un peu rude. Subitement, c’est le silence.

Ce silence-là se jette sur nous, glacial, nous envahit. On dirait que les verrières du boudoir, ayant enfin craqué sous la poussée de ses clameurs épouvantables, laissent couler l’eau sombre de tout cet espace noir, au-dessus de nous. Nous avons peur. Sirloup, de moi et moi de la femme impassible.

Ah ! combien je redoute celle qui rayonne au fond de ce puits du jardin avec la pâleur