Aller au contenu

Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

glaise des tranchées toute gluante de putréfaction, où tous ceux qui vous parlaient, amis ou ennemis, n’étaient jamais votre semblable, où l’on ne pouvait jamais se joindre que dans la tuerie.

Seul, charnellement, seul, intellectuellement, toujours l’unique ou le paria.

Non, mon chien, tu ne hurleras jamais aussi fort que mon secret désespoir.

Les bouches, que l’orgueil contraint au sourire, n’ont plus de cri, parce qu’elles se sont coupé les lèvres, coupé la langue, et, la mort entre les dents, n’ont pas avoué, n’avoueront pas.

Mon chien, il pleut. Tu as dû fendre le vitrage du plafond avec tes hurlements et voici que ce sale brouillard nous coule dessus ; ou, alors, c’est moi qui pleure sur moi, sur toi, deux pauvres bêtes.

Il me faudra détruire entièrement cette effigie maudite. Elle remplit ma prison de la liberté de sa chair. Ce n’est pas elle, c’est moi, que j’ai attaché à ce chevalet de torture amoureuse, à cet arbre de la science du bien et du mal, cet arbre, cependant, sans serpent et sans fruit. Je rêve, devant lui, que la main de cette femme, fleur de velours aux cinq pétales de nacre, tord mon cœur derrière la toile, mon cœur, loque rouge palpitante d’où tombent ces gouttes chaudes.