Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/68

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a pas bien long et il y a ce qu’il faut. Le rendez-vous courageusement offert. Elle dit : du côté du départ. Je ne découvre rien, du côté du départ, qui lui ressemble. Les femmes passent vite, les hommes ont le col du pardessus relevé. Personne, certainement, n’a l’idée, aujourd’hui, de donner un rendez-vous d’amour en pleine rue. Je descends et je vais chercher sous les arcades. Je trouve… du côté de l’arrivée. Elle est là, debout, contre un pilier, petite silhouette mince, et je ne sais pourquoi elle me produit l’impression d’une étude de nu, au crayon, très chargée de traits indiquant des mouvements de vêtements. Par ce froid dangereux, la gamine est en tailleur bien serré, bien court, sans manteau. Je l’ai reconnue tout de suite, à sa bouche qui luit, de loin, comme un point de feu dans l’ombre de cette voûte. La jolie petite lumière qu’elle émet semble prête à s’éteindre dans la pâleur du visage.

— Vous êtes folle, ma chère enfant ! Sans manteau par ce froid-là ? Vous allez vous enrhumer.

Elle rit, devient plus rose. La fraise de sa bouche fond dans le lait de son teint.

— Je ne croyais pas que vous viendriez ! Je finissais pas me dire que vous étiez très fâché contre moi. Ah ! Je suis bien contente !