Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/71

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par ce vilain froid ? C’est que, moi, je n’aime pas les scènes. On peut très bien s’expliquer sans se fâcher et si ça ne va pas, on tire, chacun, sa révérence. Pourquoi me feriez-vous repentir d’avoir confiance, puisque vous avez besoin de moi, que je vous plais pour un dessin ?…

Elle regarde droit, parle si simplement qu’on n’a pas envie, en effet, de lui gâcher sa joie de petit modèle flatté. Elle semble enchantée de sa dangereuse escapade. Après tout, maintenant que je la tiens, j’ai le temps… Amusons-nous à lui faire la cour.

— Bouchette, avez-vous pensé à moi durant cette longue semaine où j’ai désespéré de vous revoir ?

Elle hoche la tête, subitement grave :

— Oui. J’ai songé que j’avais été malhonnête, avec vous, si gentil. Et puis j’ai parlé de vous à des gens. Ils m’ont dit que vous me faisiez bien de l’honneur de vouloir me copier pour les illustrés. J’ai des amies dans la couture qui se sont fichues de moi : « Ton portrait par Alain Montarès, tu en as de la veine, toi qui es laide ! » On me trouve laide à mon rayon. Je sais bien que je ne suis pas la beauté pour cartes postales, pourtant j’ai de la ligne et si je voulais être mannequin, je gagnerais davantage… c’est mon mari qui ne veut pas. Ce matin, en