Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/73

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— Bouchette ?

— Monsieur Montarès…

Elle me regarde. Ses yeux de moineau franc sont ingénus et vifs. On ne sait pas bien si elle plaisante ou si elle dissimule. Tout à coup, deux perles glissent sur ses joues. C’est la fleur qui dégèle à cause de la tiède atmosphère de la voiture. Le froid de l’attente, une peine secrète, peut-être un remords, la tourmentent ou l’humilient ; mais tout cela fond dans la peau d’ours.

— J’ai eu tort de venir, me confie-t-elle à voix basse, j’ai mal fait de penser à vous. Oui, c’est sûr, il y a quelque chose de changé. Je ne suis pas assez raisonnable. Ce n’est pas tout à fait de ma faute. Vous m’avez promis en me donnant votre carte, de tout m’offrir sans rien me prendre. N’est-ce pas la convention ? Est-ce que vous ne pouvez pas avoir le caprice d’être honnête ? Ce ne serait pas banal pour un homme.

Je commence à être effrayé, non pas de ce qu’elle dit, mais de ce qu’elle espère. En effet, ce ne serait pas banal, si on pouvait refaire l’amour, lui enlever son goût irrésistible pour la viande crue en lui tendant un petit pain au lait. Sans aucune expérience de la vie, sinon celle de la normale brutalité de son mari, ou de son amant, elle ne peut pas concevoir la séduction sous une autre