Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/86

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pait à la tuerie en gardant le bon droit pour lui, comme de juste. Plus tard, j’en ai eu un peu de honte. Ça m’a fait attendre longtemps sans me décider. Mais vous savez, ce n’est pas le courage qui lui manque à celui-là. Il a fait tous les métiers pour gagner sa vie chez nous et honnêtement. Il sait se lever de bonne heure. Il ne perd pas son temps en beaux discours. Il ne raconte jamais rien. Il ne va pas au café, ne lit pas les journaux, ne s’occupe pas de politique. Ah ! s’il n’était pas tellement jaloux, soupçonneux ! Voyez-vous, quand on n’est pas du même pays, malgré qu’on se comprenne dans la même langue, je crois que ça ne peut pas s’arranger…

— Que pensez-vous de l’amour, vous, Bouchette, au moins d’après ce qu’on vous en a traduit.

Elle me répond spontanément, dans une véritable explosion de mépris :

— Ah ! quelle sale invention !

— Fichtre ! Vous êtes sévère pour la seule chose qui vaille la peine de vivre, madame Bouchette.

— La seule chose qui vaudrait la peine de vivre, monsieur Alain Montarès, ce serait d’avoir un bel enfant comme celui que nous avons vu passer tout à l’heure. Alors, oui, peut-être, ça nettoierait tout !