Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/88

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Nous sommes revenus à la voiture. Le chauffeur ouvre la portière avec un demi-sourire exaspérant. Il devine que ça ne marche pas très normalement pour le patron. Quel oiseau sauvage ai-je pris dans mes filets, moi, qui possède par métier le droit de choisir parmi tant de volières ? Il doit me trouver bien ridicule. D’ailleurs, je commence à l’être à mes propres yeux, ce qui me suffit.

— Bouchette, voulez-vous m’écouter en essayant de comprendre ? Je pense qu’il est temps de s’expliquer en bons camarades, sinon en bon français. Je ferai votre portrait ensuite, c’est une affaire conclue, même si nous nous fâchions tout à fait, car votre bouche resterait la merveille de l’aventure. Bouchette, je suis très malheureux, Une femme que j’ai aimée, qui m’a aimé, ne m’aime plus. Je m’efforce de l’oublier. Je voudrais, de temps en temps, passer une heure en la compagnie d’une créature charmante, à qui je ne ferais nulle peine et qui ne me mettrait pas trop ses ongles dans la peau, sous prétexte de me donner des leçons de morale. J’ai horreur des femmes du monde, parce que j’ai horreur du thé. J’ai encore plus horreur des femmes du demi-monde, parce que je n’aime pas les mauvais alcools. Je voudrais connaître une femme de race inconnue. Voulez-vous être celle-là ? Si