Page:Racine Œuvres complètes 1827 tome 2.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

BÉRÉNICE.

De ce cruel soupçon vient affliger non cœur!
Connoissez-moi, madame, et depuis cinq années
Comptez tous les momens et toutes les journées
Où, par plus de transports et par plus de soupirs,
Je tous ai de mon cœur exprimé les désirs :
Ce jour surpasse tout. Jamais, je le confesse,
Vous ne fûtes aimée avec tant de tendresse ;
Et jamais...

BÉRÉNICE.

Vous m'aimez, tous me le soutenez;
Et cependant je pars; et tous me l'ordonnez!
Quoi! dans mon désespoir trouvez-vous tant de charmes?
Craignez-vous que mes veux versent trop peu de larmes?
Que me sert de ce cœur l'inutile retour?
Ah, cruel! par pitié, montrez-moi moins d'amour;
Ne me rappelez point une trop chère idée;
Et laissez-moi du moins partir persuadée
Que, déjà de votre ame exilée en secret,
J'abandonne un ingrat qui me perd sans regret.
( Titus lit une lettre.)
Vous m'avez arraché ce que je viens d'écrire.
Voilà de votre amour tout ce que je désire :
Lisez, ingrat, lisez, et me laissez sortir.

TITUS.

Vous ne sortirez point , je n'y puis consentir.
Quoi! ce départ n'est donc qu'un cruel stratagème!
Vous cherchez à mourir! et de tout ce que j'aime
Il ne restera plus qu'un triste souvenir!
Qu'on cherche Antiochus; qu'on le fasse venir.
( Bérénice se laisse tomber sur un siège. )