Roi barbare, faut-il que mon crime l’entraîne ?
Si je te hais, est-il coupable de ma haine ?
T’a-t-il de tous les siens reproché le trépas ?
S’est-il plaint à tes yeux des maux qu’il ne sent pas ?
Mais cependant, mon fils, tu meurs, si je n’arrête
Le fer que le cruel tient levé sur ta tête[1].
Je l’en puis détourner, et je t’y vais offrir ?
Non, tu ne mourras point : je ne le puis souffrir.
Allons trouver Pyrrhus. Mais non, chère Céphise,
Va le trouver pour moi.
Que faut-il que je dise ?
Dis-lui que de mon fils l’amour est assez fort…
Crois-tu que dans son cœur il ait juré sa mort ?
L’amour peut-il si loin pousser sa barbarie ?
Madame, il va bientôt revenir en furie.
Hé bien ! va l’assurer…
De quoi ? de votre foi ?
Hélas ! pour la promettre est-elle encore à moi ?
Ô cendres d’un époux ! ô Troyens ! ô mon père !
Ô mon fils, que tes jours coûtent cher à ta mère[2] !
Allons.
- ↑ Var. Le fer que ce cruel tient levé sur ta tête. (1668 et 73)
- ↑ Andromaque, dans Euripide, prend également à témoin son fils du sacrifice qu’elle lui fait. Le mouvement est le même :
Ὦ τέκνον, ἡ τεκοῦσά σ', ὡς σὺ μὴ θάνῃς,
Στείχω πρὸς Ἅιδην· ἢν δ' ὑπεκδράμῃς μόρον,
Μέμνησο μητρός, οἷα τλᾶσ' ἀπωλόμην.
(Andromaque, vers 414-416.)