Ils ont, je le vois bien, trahi votre vengeance.
Vous vouliez que ma main portât les premiers coups,
Qu’il sentît en mourant qu’il expiroit pour vous[1] ;
Mais c’est moi dont l’ardeur leur a servi d’exemple :
Je les ai pour vous seule entraînés dans le temple,
Madame ; et vous pouvez justement vous flatter
D’une mort que leurs bras n’ont fait qu’exécuter[2].
Vous seule avez poussé les coups…
Et n’impute qu’à toi ton lâche parricide.
Va faire chez tes Grecs admirer ta fureur :
Va, je la désavoue, et tu me fais horreur.
Barbare, qu’as-tu fait ? Avec quelle furie
As-tu tranché le cours d’une si belle vie ?
Avez-vous pu, cruels, l’immoler aujourd’hui,
Sans que tout votre sang se soulevât pour lui ?
Mais parle : de son sort qui t’a rendu l’arbitre ?
Pourquoi l’assassiner ? Qu’a-t-il fait ? À quel titre ?
Qui te l’a dit ?
Vous-même, ici, tantôt, ordonné son trépas[3] ?
- ↑ Dans l’Histoire du Théâtre français (tome VII, p. 105) on fait remarquer la ressemblance de ce passage avec ces vers de du Ryer :
Il est mort, il est vrai ; mais pour m’ôter de peine,
Il falloit que sa mort fût un coup de ma haine…
Que ma main achevât, qu’il mourût à ma vue,
Et qu’il sût en mourant que c’est moi qui le tue.
('Thémistocle, acte IV, scène iv.)
Ce dernier vers est presque semblable au vers 1270 d’Andromaque. — Le Thémistocle de du Ryer a été imprimé en 1648. - ↑ Var. D’une mort que les Grecs n’ont fait qu’exécuter. (1668-76)
- ↑ « On dit que le Kain, quand il récitait ces vers, appuyait sur chaque mot, comme pour rappeler à Hermione toutes les circonstances de l’ordre qu’il avait reçu d’elle. Ce serait bien vis-à-vis d’un juge ; mais quand il s’agit de la femme qu’on aime, le désespoir de la trouver injuste et cruelle est l’unique