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ANDROMAQUE

À MADAME[1].

Madame,

Ce n’est pas sans sujet que je mets votre illustre nom à la tête de cet ouvrage. Et de quel autre nom pourrois-je

  1. Nous avons comparé cette épître avec un manuscrit qui fait partie de la collection d’autographes appartenant à M. le marquis de Biencourt. Ce manuscrit, dont nous ignorons l’histoire, comme celle de beaucoup d’autres autographes, et dont nous ne pouvons contrôler l’authenticité, diffère par une seule petite variante du texte de l’édition originale, lequel est identique avec celui de l’édition de 1736, le premier recueil qui reproduise l’épître. Voyez ce que nous avons dit au tome I (p. 389, note I) et ce que nous disons plus loin dans le tome II, en tête de Britannicus, de deux autres manuscrits du même genre. — Madame, à qui cette épître est adressée, est Henriette-Anne d’Angleterre, duchesse d’Orléans, fille de Charles Ier, petite-fille de Henri IV, née le 16 juin 1644, mariée le 31 mars 1661 à Philippe de France, duc d’Orléans, morte à vingt-six ans, le 30 juin 1670. Racine, nous le verrons, ne put lui dédier Bérénice, qu’elle avait inspirée. Elle reçut du moins l’hommage d’Andromaque ; et elle en était digne par le charme de son esprit, par son amour pour les lettres, par la protection éclairée qui lui mérita la reconnaissance des plus beaux génies de ce siècle. L’histoire ne dément pas les louanges que Racine lui donne. Son souvenir est devenu inséparable de celui de Bossuet, de Racine et de Molière. Mme de Sévigné (Lettre à Bussy, 6 juillet 1670) dit qu’en la perdant, on perdit « toute la joie, tout l’agrément et tous les plaisirs de la cour. » La Fare, dans ses Mémoires, est d’avis que, depuis la mort de Madame, le goût des choses de l’esprit avait fort baissé dans la cour de Louis XIV. « Cette jeune princesse, dit Mme de la Fayette, qui a écrit son Histoire, prit toutes les lumières, toute la civilité et toute l’humanité des conditions ordinaires, et conserva dans son cœur et dans sa personne toutes les grandeurs de sa naissance royale… Elle possédoit au souverain degré le don de plaire et ce qu’on appelle grâces ; et les charmes étoient répandus dans toute sa personne, dans ses actions et dans son esprit. » Voltaire a parlé semblablement de la duchesse d’Orléans au chapitre xxv du Siècle de Louis XIV. — Molière a aussi dédié à Madame un de ses chefs-d’œuvre, l’École des femmes.