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PREMIÈRE PRÉFACE.

PREMIÈRE PRÉFACE[1].




VIRGILE

au troisième livre

DE L’ÉNÉIDE[2].

C’est Énée qui parle.

Littoraque Epeiri legimus, portuque subimus
Chaonio, et celsam Buthroti ascendimus urbem.
Solemnes tum forte dapes et tristia dona
Libabat cineri Andromache, Manesque vocabat
Hectoreum ad tumulum, viridi quem cespite inanem,
Et geminas, causam lacrymis, sacraverat aras…
Dejecit vultum, et demissa voce locuta est :
« O felix una ante alias Priameïa virgo,
Hostilem ad tumulum, Trojæ sub mœnibus altis
Jussa mori ! quæ sortitus non pertulit ullos,
Nec victoris heri tetigit captiva cubile.

  1. Cette première préface est celle des éditions de 1668 et de 1673. Elle n’y porte pas le titre de Préface, mais est seulement précédée des mots : Virgile, au troisième livre, etc. — Les éditeurs des Œuvres de Racine qui depuis l’ont réimprimée en ont tous, à commencer par Luneau de Boisjermain (1768), retranché le début jusqu’aux mots : « mes personnages sont si fameux… », c’est-à-dire la partie que Racine a reproduite en tête de sa seconde préface.
  2. Vers 292-332. — « Nous côtoyons les rivages d’Épire, nous entrons dans un port de la Chaonie, et nous montons jusqu’à la haute ville de Buthrote… Il se trouva qu’en ce jour Andromaque portait aux cendres d’Hector les libations solennelles et les tristes offrandes ; elle invoquait les Mânes auprès du tertre verdoyant, vain cénotaphe, qu’elle avait consacré en même temps que deux autels, sujets de ses larmes… Elle baissa la tête, et parlant à voix basse : « Ô heureuse avant toutes, dit-elle, la vierge fille de Priam, condamnée à mourir sur la tombe d’un ennemi, au pied des hautes murailles de Troie, elle qui échappa au partage ordonné par le sort, et n’approcha