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Page:Racine - Œuvres, t2, éd. Mesnard, 1865.djvu/46

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ANDROMAQUE

Nos, patria incensa, diversa per æquora vectæ,
Stirpis Achilleæ fastus, juvenemque superbum,
Servitio enixæ, tulimus, qui deinde secutus
Ledæam Hermionem, Lacedæmoniosque hymenæos…
Ast illum, ereptæ magno inflammatus amore
Conjugis, et scelerum Furiis agitatus, Orestes
Excipit incautum, patriasque obtruncat ad aras. »


Voilà, en peu de vers, tout le sujet de cette tragédie. Voilà le lieu de la scène, l’action qui s’y passe, les quatre principaux acteurs, et même leurs caractères[1]. Excepté celui d’Hermionne, dont la jalousie et les emportements sont assez marqués dans l’Andromaque d’Euripide.

Mais véritablement mes personnages sont si fameux dans l’antiquité, que pour peu qu’on la connoisse, on verra fort bien que je les ai rendus tels que les anciens poètes nous les ont donnés. Aussi n’ai-je pas pensé qu’il me fut permis de rien changer à leurs mœurs. Toute la liberté que j’ai prise, ç’a été d’adoucir un peu la férocité de Pyrrhus, que Sénèque, dans sa Troade[2], et Virgile,

    point, captive, du lit d’un maître vainqueur ! Nous, après l’incendie de notre patrie, traînées de mer en mer, il nous fallut, enfantant dans l’esclavage, souffrir l’insolence du sang d’Achille, et ce jeune guerrier superbe, qui s’attacha bientôt à Hermione, race de Léda, et à un hymen spartiate… Lui cependant se laisse surprendre à la trahison : Oreste, qu’enflamme un violent amour de l’épouse ravie, et que poursuivent les Furies des crimes, l’immole au pied des autels paternels. »

  1. Nous suivons ici la ponctuation de l’édition originale. Voyez la note 4 de la page 394 du tome I.
  2. Le titre de Troades, « les Troyennes, » paraît être vraiment celui de la tragédie de Sénèque, et est aujourd’hui le plus généralement adopté. Par cette raison, nous l’avons préféré dans les notes d’Andromaque. Cependant plusieurs éditeurs et commentateurs du tragique latin, entre autres Juste Lipse, donnaient à cette tragédie le titre de Troas, la Troade ; quelques-uns aussi la nomment Hécube. Une tragédie de Pradon est intitulée la Troade.