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ACTE III, SCÈNE I.

À ses regards surtout cachez votre courroux.
Ô Dieux ! en cet état pourquoi la cherchiez-vous ?

ORESTE.

725Que sais-je ? De moi-même étois-je alors le maître ?
La fureur m’emportoit, et je venois peut-être
Menacer à la fois l’ingrate et son amant.

PYLADE.

Et quel étoit le fruit de cet emportement[1] ?

ORESTE.

Et quelle âme, dis-moi, ne seroit éperdue
730Du coup dont ma raison vient d’être confondue ?
Il épouse, dit-il, Hermione demain ;
Il veut, pour m’honorer, la tenir de ma main.
Ah ! plutôt cette main dans le sang du barbare…

PYLADE.

Vous l’accusez, Seigneur, de ce destin bizarre[2].
735Cependant, tourmenté de ses propres desseins,
Il est peut-être à plaindre autant que je vous plains.

ORESTE.

Non, non ; je le connois, mon désespoir le flatte ;
Sans moi, sans mon amour, il dédaignoit l’ingrate ;
Ses charmes jusque-là n’avoient pu le toucher :
740Le cruel ne la prend que pour me l’arracher.
Ah Dieux ! c’en étoit fait : Hermione gagnée
Pour jamais de sa vue alloit être éloignée.
Son cœur, entre l’amour et le dépit confus,
Pour se donner à moi n’attendoit qu’un refus ;

  1. Les éditions de 1713 et de 1728 donnent ce vers ainsi :

    Et quel étoit le fruit de son emportement ?


    Les éditions de 1768, de 1808 et celle de M. Aimé-Martin ont, ainsi que d’Olivet, relevé cette prétendue variante, qui n’est qu’une faute d’impression.

  2. L’édition de 1736 donne de ce vers et du suivant cette correction, tirée, est-il dit, de l’exemplaire des comédiens :

    Vous l’accusez, Seigneur, de ce dessein bizarre ;
    Cependant, tourmenté de ses propres destins.