Page:Racine - Œuvres, t4, éd. Mesnard, 1865.djvu/269

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extraites de notes manuscrites qu’ils avaient sous les yeux : « Mon père prit cela pour lui ; il écouta un peu trop sa vivacité naturelle ; il prit la plume ; et sans rien dire à personne, il fit et répandit dans le public une lettre sans nom d’auteur, où il turlupinoit ces Messieurs de la manière la plus sanglante et la plus amère. La lettre fit grand bruit ; les molinistes y battirent des mains, et furent charmés d’avoir enfin trouvé ce qu’ils cherchoient depuis si longtemps et si inutilement, c’est-à-dire un homme dont ils pussent opposer la plume à celle de M. Pascal, bien fâchés cependant de ne pas connoître l’auteur de la lettre. L’abbé Testu, qui vit que personne ne la réclamoit, crut qu’il pouvoit bien se l’approprier, et il s’en déclara tout haut l’auteur. Cela acheva de piquer mon père, qui ne put souffrir une pareille impudence, et ne fit plus difficulté de se nommer. Ce fut sans doute dans ce temps-là que l’archevêque de Paris[1] le fit solliciter d’écrire contre Port-Royal, et lui fit même offrir pour cela un canonicat. Je ne garantis pourtant pas ce fait, et je me contente de rapporter simplement ce que j’ai ouï dire. » La Lettre de Racine à l’auteur des Hérésies imaginaires, non datée dans la première édition, l’a été du mois de janvier 1666 par ceux qui l’ont réimprimée ; elle est certainement du commencement de cette année, car des deux réponses qui y furent faites, l’une porte la date du 22 mars, l’autre du 1er avril 1666. Il y a donc dans les Mémoires de Trévoux une erreur évidente au sujet des circonstances qui décidèrent Racine à écrire contre Port-Royal. Les auteurs de ces Mémoires étaient, comme on va le voir, beaucoup moins bien informés que Jean-Baptiste Racine. Voici comment ils ont parlé aux pages 1710 et 1711 (octobre 1714) : « La Lettre à l’auteur des Hérésies imaginaires et des deux Visionnaires est une réponse au Discours contre le théâtre que M. Nicole fit imprimer en 1667 à la fin de ses Lettres contre des Marets intitulées Imaginaires et Visionnaires, parce que la plupart de ces lettres sont employées à montrer que le jansénisme est une hérésie imaginaire, et les dernières à prouver géométriquement que des Marets étoit un visionnaire. Le discours qui fut l’occasion de la lettre avoit été composé pour venger le Port-Royal du grand Corneille, qui se déclaroit

  1. Hardouin de Beaumont de Péréfîxe.