Page:Racine - Œuvres, t4, éd. Mesnard, 1865.djvu/337

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LETTRE AUX DEUX APOLOGISTES
de l’auteur
DES HÉRÉSIES IMAGINAIRES[1].

Je pourrois, Messieurs, vous faire le même compliment que vous me faites : je pourrois vous dire qu’on vous fait beaucoup d’honneur de vous répondre ; mais j’ai une plus haute idée de tout ce qui sort de Port-Royal, et je me tiens au contraire fort honoré d’entretenir quelque commerce avec ceux qui approchent de si grands hommes… Toute la grâce que je vous demande, c’est qu’il me soit permis de vous répondre en même temps à tous deux ; car quoique vos lettres soient écrites d’une manière bien différente, il suffit que vous combattiez pour la même cause ; je n’ai point d’égard à l’inégalité de vos humeurs, et je ferois conscience de séparer deux jansénistes. Aussi bien je vois que vous me reprochez à peu près les mêmes crimes ; toute la différence qu’il y a, c’est que l’un me les reproche avec chagrin, et tâche partout d’émouvoir la pitié et l’indignation de ses lecteurs, au lieu que l’autre s’est chargé de les réjouir. Il est vrai que vous n’êtes pas venus à bout de votre dessein : le monde vous a laissés[2] rire et pleurer tous seuls. Mais le monde est d’une étrange humeur : il ne vous rend point justice. Pour moi, qui fais profession de vous la rendre, je vous puis assurer au moins que le mélancolique m’a fait rire, et que le plai-

  1. Sur cette réplique de Racine, voyez ci-dessus, p. 267 et 268.
  2. Il y a laissé, sans accord, dans le texte des Œuvres de Despréaux (1722), et dans celui des Mémoires de Trévoux (1724).